vendredi 30 avril 2010

Alerte

Elle, la chose, est déchaînée, M.

Prends garde à toi !

Armée de crocs et de griffes, bavant, ricanant, elle coupe les langues, elle crève les regards, elle met à nu les boyaux liquéfiés.

Partout, elle nous bassine de sa soi-disante communication tout en nous enfermant dans ses bocaux hermétiques.

Elle nous renomme statistiques, dommages collatéraux, pertes et profits, sondages sans opinion ... et nous, aveugles et muets, nous continuons à arpenter les rues, à battre la campagne, à nous reproduire pour qu'elle ait toujours de quoi se satisfaire.

Ce matin, je l'ai vue passer devant la fenêtre, tandis que les pigeons s'éparpillaient soudain et que retentissaient le klaxon grave d'un bus en retard.

Je pense toujours à toi.

C.

dimanche 18 avril 2010

Dimanche de repos

La radio d'à côté bourdonne J'ai beau tendre l'oreille, le sens m'échappe Comme toujours, les mots eux s'enchaînent avec un certain rythme, une variation de tonalités qui donnent à croire à un dialogue ou tout au moins que ces bruits pourraient avoir un sens Mais là où je me tiens, derrière le mur, je sais bien qu'il ne s'agit pas de communication. Non. Pas même une présence. Juste une nuisance supportable. Mieux vaut l'ignorer.

C'est dimanche et je ne veux pas parler du temps passé, celui qui peint tout dans l'ombre J'ai lavé les carreaux Bêtement, j'ai pensé que la lumière serait plus éclatante, qu'elle entrerait à l'intérieur. A chaque fois j'oublie. La clarté que j'espère ne passe jamais de ce côté ci du mur.

J'ai lu. Il y avait écrit comme une prière : " ne voit pas Dieu dans ton miroir" Naïve, j'ai pensé Qui pourrait bien faire ça ? Quand je suis devant le miroir, je ne vois rien (ce qui est d'ordinaire un soulagement) encore moins Dieu. Ensuite, j'ai eu peur. Évidemment que beaucoup voit Dieu dans leur miroir sinon comment justifieraient ils leurs actes et leurs paroles ?

J'ai refermé le livre. Il m'a tellement effrayée, jusqu'au désespoir.

C'est dimanche Je voulais que ce soit une journée de repos, agréable et tranquille. Certainement pas consacrée à l'introspection ou à la philosophie. J'ai lu le Génie des Alpages n° 5 de F'Murr pages 6 et 7 D'habitude elles me détendent. J'aime bien ces anciennes BD où il n'y avait pas à chaque page une barbie dénudée et un barbare suréquipé.

Et puis, le bourdonnement a commencé à m'agacer sérieusement. Je n'entendais plus que lui. J'ai écrit quelques mots à la hâte au cas où. J'ai vérifié que mes trésors étaient bien dans mon sac. Je ne sors jamais sans eux J'ai contrôlé dans la glace Il n'y avait personne. Maintenant, je peux partir.
C.