mercredi 14 mars 2012

Le cri

J'ai trouvé une autre façon de hurler Je hurle en cercle Le cri tourne d'abord sur lui même pour prendre une forme aérodynamique puis il fait celui qui s'envole afin de mieux se retourner et venir se ficher dans ma tête à la manière d'un boomerang.

Personne d'autre que moi pour s'en apercevoir mais le cri mode intime c'est dur comme un diamant  aussi incisif qu'un scalpel Pas besoin d'être articulé pour produire son effet Le Cri du moins ce type de Cri, est d'un genre tout nouveau Ni beau, ni désespéré ni même déguisé une quintessence de cri, une équation existentielle

Au commencement, je n'y ai pas vraiment prêté d'importance. Après tout, j'étais assez occupée avec les cris des autres, les cris ordinaires, les cris défendus, les cris insidieux, les cris frais, les petits cris, les cris originaux les cris étrangers Enfin, vous voyez ce que je veux dire C'est pas ce qui manque, les cris ! Depuis le cri de la naissance - le seul cri légal -  on a tous appris à les éviter soigneusement 



Mais ces derniers temps, des cris naissaient en moi spontanément comme s'ils possédaient mon code d'accès génétique Je suis pourtant certaine de ne l'avoir livré à personne  Bizarre  Ces cris là n'étaient pas tout à fait comme les autres Ils étaient... familiers Non, familiers n'est pas le bon qualificatif ! Ces cris là avaient une odeur particulière, une empreinte sonore en résonance qui tambourinait sans cesse prenant de la vigueur au lieu de s'évanouir  Des cris qui ne voulaient pas mourir Des cris qui m'emplissaient d'échos très dérangeants Des envahisseurs pire que le cafard

Bref, il a bien fallu que je m'autoanalyse Il y avait urgence car ils proliféraient C'était bien la première fois que des cris me persécutaient jusqu'à l'obsession J'avais peur de perdre le contrôle, moi, si douée pour le silence.

Pour préserver les apparences,  j'ai bien du accepter la vérité en face Je m'étais mis moi aussi à hurler  de l'intérieur Ces cris là avaient ma signature.

Telle que vous me voyez, marchant tranquille à vos côtés, assise en face de vous dans le bus quotidien, faisant la queue à la caisse du supermarché derrière la porte du bureau, j'étais chargée à mort de cris incontrôlables

C'était difficile même pendant le sommeil, les cris s'infiltraient partout, dans mes rêves, mes pensées,sous ma peau, au bord de mes lèvres...   J'ai eu peur. Si on s'en était aperçu,; peut être m'aurait on enfermée dans un bunker anti atomique ou encore se serait on débarrassée de moi en m'envoyant tout droit brûler en enfer

l'idée m'effleura qu'ils pourraient devenir non plus seulement douloureux mais aussi communicatifs Se répandre comme une épidémie dont j'aurais été l'innocent agent porteur


J'entends pourtant profiter du peu de silence qu'il me reste J'étudie en secret J'explore Je teste 
Je cherche une voie une issue pour ne plus hurler en cercle Hélas, je n'ai trouvé qu'une porte de sortie :

J'ai appris à écrire

C.